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Frédéric Rolin, juriste : « Sous la IVᵉ République, réputée si fragile, la France est restée en état d’être gouvernée »

Réforme. Le mot est écrit dans le programme de tout candidat à une élection, il est sur les lèvres de tous les décideurs politiques, il est dans l’esprit de tous les administrateurs ambitieux, il est dans tous les conseils des communicants à leurs clients : un fait divers – une réforme ; un frémissement de l’opinion – une réforme ; une grève, un rachat d’entreprise, une action menaçante de l’étranger – une réforme ; et, évidemment, un fait de société – une réforme.
Peu importe qu’après qu’une loi a été votée, ses décrets d’application ne soient pas édictés et que la réforme n’entre pas en vigueur. La loi du 13 avril 2023 pour l’accès des étudiants à une offre de restauration à prix modéré ne s’applique pas, faute de décret : qui s’en préoccupe ? Seuls dix des vingt-huit décrets d’application de la loi du 23 octobre 2023 sur l’industrie verte ont été pris : quelle importance ? Aucun des décrets de la loi de finances pour 2023 n’est entré en vigueur : cela a-t-il changé quoi que ce soit ?
Et ce qui est vrai pour le législateur l’est aussi pour le pouvoir réglementaire gouvernemental : bien des codes ont doublé, voire triplé, de volume en vingt ans, le plus souvent dans leur partie réglementaire. Et peut-on vraiment dire qu’il y a un mieux ? Construit-on mieux et plus de logements depuis que le code de la construction et de l’habitation a doublé de volume ? Non, évidemment non.
Pour le dire très simplement, voter un texte ne résout pas un problème. C’est un moyen qui paraît peu onéreux, et médiatiquement porteur de paraître le prendre en charge. Un « plan », une « loi-programme », un « engagement national », nous en avons vu des myriades, sans effets sensibles. Qui se souvient encore de la loi Engagement national pour le logement de 2006, qui n’a résolu aucun problème et, en particulier, ni celui du déficit de construction ni celui du mal-logement.
Ceux qui élaborent, amendent, votent, adoptent ces textes législatifs et réglementaires sont aussi souvent ceux qui tiennent un discours parfois véhément sur l’« inflation normative » et réunissent des commissions chargées de « simplifier le droit ». Simplifications qui ne mènent pas à grand-chose, voire aggravent le problème. A quoi bon abroger l’existence d’une « haute autorité », qui, de toute façon, ne se réunissait plus depuis longtemps ? A quoi bon introduire des dérogations pour tenter de contourner une règle, ce qui ne fait qu’ajouter des difficultés ?
Pourtant, la situation politique que nous connaissons depuis quelques semaines devrait, au lieu de nous faire pousser des hauts cris, nous faire réfléchir davantage. On a déjà évoqué, de-ci de-là, des exemples étrangers, ceux de la Belgique ou de l’Espagne demeurés pendant de longues périodes sans gouvernement et qui, aux dires des observateurs, n’en ont pas ressenti de conséquences particulières. Mais il est moins courant de nous pencher sur notre propre passé, celui antérieur à la Ve République et qui a souvent été fort décrié depuis 1958 comme le produit de la « République des partis », synonyme de blocages, d’inconséquences et de faiblesse.
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